Interview de JL Borloo aux Echos - parution du 25 juillet 2012

Publié le par Parti Radical - Fédération de l'Aube

JEAN-LOUIS BORLOO DÉPUTÉ DU NORD, PRÉSIDENT DU GROUPE CENTRISTE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Borloo : « Il faut lancer un Grenelle des véhicules du futur » 
Que faut-il faire pour sauver la filière automobile?
Associer tout d'abord à la discussion toutes les parties prenantes qui sont très nombreuses. Un plan en faveur de l'automobile ne se décide pas dans un bureau ministériel, comme est en train de le faire le gouvernement. Il est dans l'affichage total. La méthode ne convient pas.
Il faut mettre tout le monde autour d'une table, constructeurs, sous-traitants, syndicats, élus locaux, énergéticiens pour lancer un Grenelle des véhicules du futur. C'est ce qui a été fait dans ma région et ce qui a permis d'arriver à l'accord entre PSA et Toyota pour assurer l'avenir de l'usine Sevelnord après le désengagement de Fiat.
Concrètement, quelle sont les mesures à prendre ?
Il faut poursuivre et amplifier le plan que j'avais mis en place en 2009 pour sauver l'industrie automobile française. Cela passe par un soutien massif à l'essor de la voiture décarbonée. L'Etat devrait passer une commande publique de 100.000 véhicules électriques d'ici à 2015 pour montrer l'exemple et garantir un volume de production aux constructeurs.
Il faut aussi renforcer le bonus-malus que j'avais institué, en augmentant les subventions pour les voitures émettant peu de CO2 et en durcissant la pénalité pour les véhicules très polluants. Ce dispositif a déjà déplacé 4 millions d'achats en 3 ans et permis à la France d'avoir le parc automobile le moins polluant au monde.
Et il faut investir massivement dans les infrastructures pour favoriser le développement de l'automobile électrique : 900.000 prises à charge rapide chez les particuliers et 75.000 sur la voie publique pour qu'à l'horizon 2020, comme la France s'y est engagée, 20 à 25% de la consommation d'énergie pour l'automobile soit d'origine électrique.
Cela représente un investissement de 150 millions d'euros. Dans le cadre du Grand emprunt, il est déjà prévu que 750 millions d'euros aillent à la recherche et au développement de la voiture du futur. Il ne faut surtout pas remettre en cause ce choix et au contraire le conforter.
Face aux urgences sociales, que proposez-vous ?
Je demande au gouvernement de financer un plan massif de soutien à l'activité partielle, comme cela s'est fait en Allemagne. Peugeot est confronté à un problème cyclique, il faut l'aider à passer ce cap difficile.
Il faut également s'attaquer à la question du coût du travail, qui fait partie du problème de la filière, contrairement à ce que veut laisser croire le gouvernement. Celui-ci a chargé un expert , Emmanuel Sartorius, de faire un point sur la santé de PSA. Mais ce même expert avait remis il y a quelques mois un rapport accablant sur les entreprises françaises d'ingénierie qui dénonce la perte de compétitivité française en raison des 35 heures et de l'envolée des charges. Le gouvernement ferait bien de le relire et de s'en inspirer.
Qui doit-être le chef d'orchestre d'une telle concertation ?
Cela devrait être le rôle du ministre d'un ministère qui a malheureusement été supprimé. Cela démontre l'erreur colossale qu'a été le démantèlement de ce qui était le ministère de l'ingénierie du XXIe siècle. Ce ministère que j'ai eu l'honneur et le bonheur de conduire regroupait l'énergie, l'urbanisme, les transports, l'écologie, soit 50 % de l'activité économique du pays.
C'est cette synergie qui nous a notamment permis de poser les bases permettant de créer la croissance verte. Et face au défi de l'avenir de la filière automobile, c'est ce levier qui nous manque aujourd'hui. Faute d'un vrai chef d'orchestre gouvernemental, c'est donc au Premier ministre de piloter ce travail de concertation nécessaire.
Les grandes orientations du Grenelle demeurent, non ?
Détrompez-vous. Je suis effaré par le démantèlement du ministère et par ses conséquences : l'arrêt ou le retard de projets qui sont pourtant moteurs de la croissance verte. Si le gouvernement renonçait aux lignes à grande vitesse, au canal Seine-Nord, à la rénovation thermique, aux 1.500 kilomètres prévus de tramway urbain en y ajoutant la baisse du pouvoir d'achat, l'augmentation des charges et bientôt celle de la CSG, alors il prendrait la responsabilité de faire entrer la France en récession. Je le mets en garde solennellement.
Approuvez-vous le maintien du moratoire sur l'exploration des gaz de schiste ?
Oui. Il faut rester très prudent. Les incertitudes sur la fracture hydraulique restent très grandes. C'est sur le terrain des économies d'énergie qu'il faut faire les investissements.
Où en êtes-vous de votre volonté de réorganiser le centre ?
Tout se met au contraire en place de manière très naturelle. Maintenant que l'expérience du Modem a été menée à son terme, nous avons une ligne politique claire : celle d'une compétition-alliance avec l'UMP. Nous avons une vision claire : celle d'un rassemblement des républicains modérés, sociaux et européens. La question du leadership est également désormais réglée. Il nous reste à achever l'organisation de cette sensibilité qui représente environ 25 % de l'opinion.
Appelez-vous les centristes de l'UMP à vous rejoindre ?
Ce n'est pas mon sujet. Que ce soit entre les quinquas, les quadras ou les trentenaires, à tous les étages, la compétition au sein de l'UMP se déroule entre des anciens du RPR. Si l'opposition veut reconquérir les territoires, les grandes villes, le Sénat, notamment dans l'Ouest, l'UMP-RPR ne suffira pas.
Ne vous y trompez pas, c'est le centre droit qui permettra de bâtir l'alternance à la gauche.
Par STEPHANE DUPONT

Publié dans Actu

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